Confrontés à la décadence du nomadisme, beaucoup d'anciens
pasteurs-caravaniers du Sud marocain se reconvertissent dans le tourisme
de randonnées. Une enquête conduite de 1994 à 2004 dans la région de
Zagora permet d'évaluer les enjeux de la rencontre entre touristes et
société locale, et l'ampleur des mutations qui s'ensuivent. Refusant les
oppositions simplistes entre ethnologie et tourisme, Corinne Cauvin
Verner évacue avec vigueur le catastrophisme généralisé qui caractérise
le discours sur l'acculturation. " Rien n'est plus comme avant " mais
avant cela, la sécheresse, les guerres d'Etat et l'émigration de travail
ont fait des ravages autrement irréversibles. Devenus " nomades de
profession ", les guides du Sud marocain produisent un rapport social
inédit qui, pour sauver l'essentiel, s'ouvre sur le monde et négocie
l'avenir. On dispose avec ce travail d' une solide monographie qui
permet de penser les effets du tourisme au Maroc dans leur durée et leur
complexité, en dépassant les modes habituels de dénonciation des
voyages organisés ou d'idéalisation des sociétés locales. Corinne Cauvin
Verner parvient à sauver les touristes de la caricature et les
Sahariens de l'exhibition, conservant de la mesure et de la pudeur même
lorsqu'elle évoque les situations jugées localement comme scandaleuses,
telles la consommation d'alcool et la sexualité avec les étrangères.