Avec celles de Baudelaire et de
Rimbaud, la figure de Mallarmé domine la modernité poétique qui se
constitue à la fin du XIXe siècle, et, quoique son œuvre fût rare,
adressée de loin en loin à une élite de lecteurs lentement accrue, " il
lui avait suffi, dit Valéry, de quelques poèmes pour remettre en
question l'objet même de la littérature ". Un vers nouveau naît avec
lui, refermé sur le scintillement réciproque des vocables qui le
constituent, une poésie qui donne congé au réel pour en préférer
l'évocation pure, un langage qu'on a pu dire obscur mais qui n'est en
réalité que le défi lancé aux lecteurs qui sauront, pour eux-mêmes, en
déployer secrètement le sens. Parce que Mallarmé a été aussi bien le
plus lucide analyste des états de la poésie, du mystère qui règne dans
les lettres, de la crise du vers, et de la séparation radicale que la
littérature
désormais manifeste à l'égard du langage ordinaire, on ne trouvera pas
seulement dans ce volume les Poésies, les poèmes en prose ou bien Un
coup de dés, mais quelques-uns des grands textes théoriques qui
continuent de marquer si profondément notre époque : c'est-à-dire
finalement le parcours d'une vie où l'écrivain, devenu impersonnel,
s'efface devant une sorte de religion de l'œuvre et du Livre à faire.
Editeur :
Le livre de poche